En référence aux neuf branches du delta qui se jetaient encore en mer de Chine au début du siècle dernier, avant que certains ne soient ensablés. En vietnamien, le cours d’eau – nommé Song Cuu Long – signifie le « fleuve des Neuf Dragons ».
C’est véritablement sous le signe de l’eau que nous avons voyagé en Asie du Sud-est, eau des fleuves, rivières et lacs jonchées de plastiques et lotus, eau des égouts à ciel ouvert malodorante un max, eau potable purifiée par des usines, glaçons dans les jus de fruits, glace pilée dans les shakes, eau des douches des hôtels, cuves sur les toits, camions de bidons, bouteilles plastiques par milliers, conduites d’eau et tuyaux tout bleus, arrosage, irrigation, barrages…
1- Mandalay traversée par le fleuve Irrawaddy venu de l’Himalaya et artère de vie de la Birmanie, descendu une journée en bateau jusqu’à l’ancien Royaume de Bagan, admirable site archéologique, historique et religieux du monde bouddhiste. Dès l’arrivée à Mandalay, on est frappé par cette problématique de l’eau, de l’eau potable qui, ici, se purifie puis se diffuse en bidons, bombonnes, citernes, bouteilles de diverses grandeurs, en camion, vélos, tuktuk, camionnettes. Une eau purifiée dans plusieurs usines de traitement, et au bouchon cacheté qui sera notre boisson durant tout ce voyage, avec les jus de fruit savoureux, les sodas trop sucrés en boîte et les bières locales. Une eau pas vraiment encore à la portée de tous ici.
2- Lac Inlay et lac Sakal, dans une haute vallée, poumon agricole de cette région au centre nord du pays et haut lieu touristique de la Birmanie, parcourus en pirogue motorisée durant deux jours, parsemés de nénuphars et de lotus, de pagodes et de stupas jaunes à clochettes tintinnabulantes, bouffé par les jacinthes d’eau, pollué par la culture intensive des tomates sur fond de vase et le manque d’assainissement de ces maisons et hôtels plantés sur l’eau dans lesquels afflue une « horde » de touristes qu’il faudra bien limiter un jour.
3- Ngapali, golfe du Bengale, farniente ensoleillé de quelques jours dans une belle eau plate et bleue, de belles plages, une côte un peu trop fréquentée par l’élite de Yangoon, où nous avons trouvé dans une crique rocheuse de sable fin un lieu d’hébergement que nous ne voulions plus quitter.
4- L’Irrawaddy et son delta encore à Yangoon, capitale pas trop « thaïlandisée » et le fleuve Salween à Mawlaymine, pays de ces bouddhas géants, couchés, debout, assis, témoins de la folie des grandeurs maladive des hommes, au cours sauvage remonté en pirogue jusqu’à Pah An pour gagner la Thaïlande.
5- Le Mékong rejoint à Chiang Sien, petite bourgade de l’ancien Triangle d’Or de l’opium, fleuve frontière né dans l’Himalaya indien, descendu en sampan «bétaillère à touristes » durant deux jours, ici rocheux en diable et sauvage, jusqu’à Luang Prabang, belle ville historique du Laos protégée des assauts immobiliers chinois par son classement à l’UNESCO.
6- De Ventiane à Paksé, le fleuve bien sur, et aussi ce lac réservoir de Nam Phan avec ces arbres dépouillés émergeant de l’eau, puis la rivière souterraine de la grotte de KongLor, traversée angoissante dans un chenal de 7km sous des voûtes et rochers vieux de plusieurs millions d’années, au cœur des réseaux historiques de la piste Ho-Chi-Min. Une région montagneuse sauvage, largement victime des bombardements US dans les année 60/70 dont il reste encore aujourd’hui de trop nombreux souvenirs macabres et mortels, en explosifs actifs au sein des rizières et des terrains agricoles ou naturels divers.
7- Plus au Sud, Paksé et les 4000 îles région dans laquelle le fleuve se déploie en une myriade de bras puis se resserre dans de grandes chûtes avant de gagner le Cambodge et le Tonlé Sap au cœur de la civilisation Khmers d’Angkor.
8- Après la traversée des montagnes Annamites, la mer de Chine sur cette « Riviera » vietnamienne bien bétonnée au Sud de Danang, ancienne « Route Mandarine » de la colonisation française qui serpente le long de la côte, à l’arrière pays montagneux de cette piste Ho-Chi-Minh que nous « suivons » depuis Thakhek, territoires encore témoins des millions de bombes de la guerre et des batailles ravageuses en vies humaines, défoliants et explosifs mortels.
9- Le delta du Mékong enfin, qui déploie ses neufs bras mythiques depuis le Cambodge jusqu’à la mer en passant par Ho-Chi-Min-ville.
« De bout en bout, de la Chine au Vietnam, les scientifiques considèrent que 90 millions d’habitants dépendent directement du cours d’eau. Au fil de son long périple, il irrigue les rizières de ses alluvions, transporte les hommes et leurs marchandises et offre aux peuples qui le bordent des pêches miraculeuses et une formidable source d’énergie hydroélectrique. « D’une certaine façon, le Mékong est considéré comme une divinité. Il est le territoire des dieux, des esprits, des démons, des dragons et des Naga. C’est un fleuve intimement lié à notre spiritualité » précise le guide.