Petit, un peu bedonnant car sur in ferry on ne marche pas vraiment, gère la file des voyageurs qui attendent dans les couloirs un peu avant le débarquement. Il fait patienter en racontant des histoires vraies et visiblement il aime ça :
Un jour sur le Gênes-Naples, ...
Et il raconte :
« Elle marchait sur le pont du ferry, petite, longue chevelure brune débordant sur un long manteau blanc couvrant une longue robe orange, chaussures noires et grand sac orangé à l’épaule, rabat à boucle (tiens, fermé par un cadenas à chiffres), le téléphone à l’oreille, gesticulant sans cesse au gré des sa conversation, visiblement pas très calme, irritée, en colère ou passionnée, je ne saurai dire. Je ne pouvais pas ne pas la remarquer sur le huitième pont quasi désert, au milieu des flaques d’eau laissées par les embruns, cheveux éclatants au vent sous le soleil du soir. Elle marchait de longs en large près du parapet, s’arrêtant pour accentuer son propos. Je ne pus m’approcher pour écouter cette conversation, ce qui aurait été très indiscret.
Plus tard, je l’ai à nouveau croisée au restaurant, téléphone toujours à l’oreille et à la bouche, lèvres mobiles pour un énoncé volubile, tapant sur son sac du plat de la main. Menaçante ? Parlant du contenu ? Difficile à dire sans voir son visage.
Le lendemain matin, au lever du soleil, dans le contrejour, un grand sac vert sur une épaule emmitouflée dans un coupe-vent bleu, téléphone à l’oreille, cheveux attachés en palmier sur la tête, étaient-ils roux ? A vrai dire je ne suis pas certain ? Le sac, c’était bien le même, très grand, gonflé, un rabat à boucle fermé par un cadenas à chiffres. C’était bien le même, le rabat, la couleur… le cadenas… j’avais remarqué ce détail car ce genre de cadenas se voit surtout sur les bagages de soute des voyageurs et est un peu insolite sur un sac à main. Avait-elle peur des voleurs à la tire ?
Non, je ne peux assurer que c’était la même personne. A l’arrivée, je scrutai la file des passagers, des passagères descendant dans les cales pour sortir du bateau et je ne la voyais point. Pas de long manteau blanc sur une robe orange, ni de coupe-vent bleu, ni de sac vert fermé par un cadenas. »
- Voilà ce que j’ai vu, me dit ce marin de l’ « Europe Palace », ferry de Grimaldi opérant la ligne de nuit quotidienne Cagliari/Naples.