L'inconnu du ferry-boat

Vous aussi vous avez aperçu l'inconnu du ferry boat ? Envoyez-moi vos témoignages.
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Michel, voyageur suisse, 15 avril 2025

Son visage m’apparaissait à l’avant du bus, dans un étroit angle de vue entre le dossier du siège devant moi et la paroi vitrée, tourné vers l’extérieur. Un visage brun, souriant, envoyant sans cesse des baisers avec ses lèvres, ses doigts, ses yeux, vers l’extérieur du bus comme pour un adieu qui dure, un au revoir plutôt. Son manège sur le quai m’intriguait, elle, pantalon et court blouson style "crop top", relevait sans cesse la longue mèche de ses cheveux pour cacher son visage souriant de ses yeux embués de larmes. Sans cesse elle se reculait, se retournait comme partant, sans cesse elle revenait vers la fenêtre du bus. Ses yeux, ses mains, sa bouche, son corps entiers disaient son amour et la tristesse de cette séparation, définitive ou pour quelques jours seulement, que l’on peut imaginer terminant un week-end amoureux fusionnel. Est-ce lui qui part ? Est-ce elle qui reste ? Je ne peux savoir.
Puis le bus s’avance vers le ferry et elle disparait de mon champ de vision, lui, agite encore ses lèvres jusqu’à ne plus la voir.
Ensuite je l’ai cherché durant cette courte traversée de Messine à Vulcano, sur le pont, dans les salons et les couloirs…
Pourquoi ne l’ai-je plus retrouvé ?


 

 

Marco sur le Cagliari- Naples, le 8 avril 2025

Petit, un peu bedonnant car sur in ferry on ne marche pas vraiment, gère la file des voyageurs qui attendent dans les couloirs un peu avant le débarquement. Il fait patienter en racontant des histoires vraies et visiblement il aime ça :
Un jour sur le Gênes-Naples, ... 
Et il raconte :
« Elle marchait sur le pont du ferry, petite, longue chevelure brune débordant sur un long manteau blanc couvrant une longue robe orange, chaussures noires et grand sac orangé à l’épaule, rabat à boucle (tiens, fermé par un cadenas à chiffres), le téléphone à l’oreille, gesticulant sans cesse au gré des sa conversation, visiblement pas très calme, irritée, en colère ou passionnée, je ne saurai dire. Je ne pouvais pas ne pas la remarquer sur le huitième pont quasi désert, au milieu des flaques d’eau laissées par les embruns, cheveux éclatants au vent sous le soleil du soir. Elle marchait de longs en large près du parapet, s’arrêtant pour accentuer son propos. Je ne pus m’approcher pour écouter cette conversation, ce qui aurait été très indiscret.
Plus tard, je l’ai à nouveau croisée au restaurant, téléphone toujours à l’oreille et à la bouche, lèvres mobiles pour un énoncé volubile, tapant sur son sac du plat de la main. Menaçante ? Parlant du contenu ? Difficile à dire sans voir son visage.
Le lendemain matin, au lever du soleil, dans le contrejour, un grand sac vert sur une épaule emmitouflée dans un coupe-vent bleu, téléphone à l’oreille, cheveux attachés en palmier sur la tête, étaient-ils roux ? A vrai dire je ne suis pas certain ? Le sac, c’était bien le même, très grand, gonflé, un rabat à boucle fermé par un cadenas à chiffres. C’était bien le même, le rabat, la couleur… le cadenas… j’avais remarqué ce détail car ce genre de cadenas se voit surtout sur les bagages de soute des voyageurs et est un peu insolite sur un sac à main. Avait-elle peur des voleurs à la tire ?
Non, je ne peux assurer que c’était la même personne. A l’arrivée, je scrutai la file des passagers, des passagères  descendant dans les cales pour sortir du bateau et je ne la voyais point. Pas de long manteau blanc sur une robe orange, ni de coupe-vent bleu, ni de sac vert fermé par un cadenas. »
- Voilà ce que j’ai vu, me dit ce marin de l’ « Europe Palace », ferry de Grimaldi opérant la ligne de nuit quotidienne Cagliari/Naples.

 

Inconnu ferry genes cagliari personnalise

Dama au sac

Giuseppe, 28 ans, serveur sur la plage de San Remo - 6 avril 2025

C’est entre Gênes et Porto Torres que je l’ai aperçu pour la première fois. J'avais un job sur le ferry, qui effectue la traversée de nuit en 11h, ce qui laisse peu de temps avant la nuit aux passagers pour flâner sous le soleil, observer le temps qui passe le long des vagues, s’entrevoir ou se rencontrer.

« C'était au moment de ma pose. Je m'étais assis fumant un cigarette, quelques rangées de sièges derrière cette personne – je ne saurai dire si c’était un homme ou une femme – sur le pont supérieur à l’arrière du bateau. Les bancs réservés aux passagers étaient clairsemés, peu restaient là longtemps aujourd’hui car le soleil se cachait derrière de lourds nuages et il était déjà tard. Ce qui m’a frappé c’est qu’elle ne bougeait pas. Elle était cachée sous son vêtement rouge, un corps un peu ramassé, pas très grand, sa capuche serrée contre les embruns. Non, ce n’était pas un sweat, plutôt un vêtement d’hiver genre anorak fourré car on voyait un peu dépasser la fourrure blanche. Il me semble qu’un vent violent soufflait ce jour-là. Sa tête oscillait, s’arrêtait un moment à droite, un moment à gauche et ainsi de suite comme si elle attendait quelqu’un ou quelque chose, qu’un évènement imprévu tout à coup survienne. Elle paraissait prête à bondir hors de son siège à la moindre alerte. Elle jetait des regards furtifs vers les autres passagers du bateau ce soir à moitié vide, basse saison touristique oblige. Malheureusement, je n’ai pas vu son visage, elle semblait aussi, souvent, regarder ses mains. Quelle idée de se cacher derrière du rouge, une couleur très voyante sur un bateau blanc. Pourrais-je lui donner un âge ? Je ne sais pas. En tout cas elle n’avait pas la courbure de dos significative d’une personne très âgée et ce n’était pas non plus un enfant. Je n’en sais pas plus. Un peu plus tard lorsqu’elle s’est levée – on aurait dit qu’elle avait été appelée vers sa gauche – pour probablement regagner sa cabine, je n’ai pu la voir que de dos. Oui, en pantalon, rouge aussi, des bottines sombres fourrées aux pieds. Je dirai que j’ai entrevu une silhouette, peut-être un homme, aux aguets, sur le qui vive, à la démarche rapide, qui a disparu à bâbord, par la porte d’entrée vers la partie du bateau où se situent les cabines de luxe pour VIP. Plus tard, au restaurant, il y avait peu de monde et j’aurai pu la reconnaitre, mais je n’ai vu personne vêtu de rouge. Le lendemain matin, lors du débarquement je n’ai pas vu de rouge non plus.»

Ferry tales 6